Urbanism Without Effort—Reconnecting with First Principles of the City. Charles R. Wolfe, Island Press, 2019, 177 pages.
Le titre de cet ouvrage contient, de façon bien innocente, un élément d’ironie quelque peu involontaire. En effet, si l’on était vraiment pour tenter d’appliquer la démarche proposée pour en arriver à un urbanism without effort, cela demanderait un travail sérieux, bien au-delà de ce qui est conventionnellement déployé. En d’autres termes, la création d’un nouvel urbanisme sans effort ne peut se faire sans avoir, au préalable, fait une démarche exhaustive de recherche et de compréhension approfondie; d’un lieu ou d’un type urbain, autant sur le plan du design, de l’analyse socio-économique et du volet historique. On se devrait ainsi d’aller plus loin que la synthèse et rechercher une authentique distillation du genius loci.
Loin de la formule facile, l’auteur préconise ainsi une démarche sensible, que celle-ci soit entreprise pour la compréhension d’un espace urbain en friche, d’un coin de rue, d’une place publique, d’un îlot, d’un bloc dévitalisé ou même de la totalité d’un quartier. Cette démarche est à l’opposé des formules basées sur une accumulation de précédent ou d’un «copier/coller» qui ne s’en tiendrait qu’à la surface d’un design. L’auteur, en posant qu’il existe des milieux urbanisés qui ont su se développer afin de générer un urbanisme favorisant les relations humaines, de commerces et du savoir, de façon naturelle et organique, nous invite à une observation attentionnée de ceux-ci. Préférablement, ce travail se fait physiquement, sur place, en personne, par le moyen d’un journal urbain photographique ou sketch, avant même d’être écrit.
Pour ne pas tomber dans le panneau du «précédentisme», l’auteur souligne l’importance de contextualiser toutes observations; il n’existe pas (ou tellement peu) de design, de dynamique ou de développement socio-économique urbain qu’il est simplement possible de reproduire en pièce détachée, ou de recréer matériellement ailleurs et de penser réussir les mêmes «conditions gagnantes» que l’original. Cela relève de la pensée magique, mais c’est aussi un chemin facile, quasi irrésistible, si la recherche de résultat à court terme est la seule priorité. L’auteur nous invite plutôt à considérer une approche «don’t try this at home» : ne pas imaginer calquer sans au préalable une bonne dose d’adaptation bidirectionnelle.
Sur les traces de Urbanism Without Effort
C’est ainsi cette capacité d’avoir une connaissance profonde, autant du milieu d’origine de l’élément ou du contexte emprunté que de son milieu urbain d’insertion ou de reproduction (l’approche bidirectionnelle) qui sera à la racine de toute intervention urbaine allant au-delà du simple placage. La capacité à créer une dynamique urbaine spécifique et originale demeure un des exercices les plus difficiles et complexes en urbanisme. Pourtant, lorsqu’on peut avoir la chance de voir et de vivre un espace urbain qui fonctionne, cela semble la chose la plus naturelle, organique et spontanée qui soit. Il s’en dégage même un «effortlesness» qui peut facilement, si l’on n’est pas attentif, rigoureux et ouvert dans l’étude, nous donner l’illusion que la simple addition de ses parties constituantes suffira pour transplanter une dynamique urbaine particulière.
L’auteur donne l’exemple de la Silicon Valley : aucun espace urbain «naturellement et organiquement» dynamique n’a atteint ce niveau sans une forte dose d’interventions, de type privé et public, diversifiée et bénévole, dans le but d’entretenir et de nourrir dans le temps cette vitalité unique. Cette partie est tout sauf «without effort».
L’auteur est généreux sur ses propres sources méthodologiques ainsi que de réflexion. Il est aisé pour le lecteur qui voudrait s’en donner la peine de poursuivre sur les chemins défrichés par ce volume. J’ai moi-même découvert Charles R. Wolfe lors de deux entrevues sur l’excellent podcast Talking Heaways. Il a aussi un blogue, et son dernier livre a paru cette année.
Une autre façon que l’auteur cherche à faire assimiler les qualités qu’il préconise dans un urbanisme dynamique est en le rapprochant du concept d’everyday urbanism. Il existe aussi un ouvrage synthèse du même nom. Pour étendre la notion de dynamisme urbain pour inclure toutes ses incarnations, je souhaite avoir la chance bientôt de lire Tally’s Corner et son histoire éphémère, si caractéristique de ces phénomènes.
Plusieurs autres références nous donnent le goût d’aller plus loin, mais en voici trois qui seront sur ma liste : J. B. Jackson, Joseph Rykwert, particulièrement son livre, The Seduction of Place. Finalement, un ouvrage qui semble mériter un détour : Tight Urbanism.