Asphalt Nation—How the Automobile Took Over America and How We Can Take It Back. Jane Holtz Kay. University of California Press, 1997, 418 pages.
Si rien d’autre, Alphalt Nation est un livre qui est fidèle à son titre et délivre entièrement sur sa prémisse. On y apprend comment la voiture a fini par façonner nos paysages physique et métaphorique, bien au-delà de ce qui pouvait même être souhaitable. On suit l’auteur dans une odyssée journalistique (entrevues et visites sur le terrain) d’environ cinq ans, de 1991 à 1996. Une époque qui, en rétrospective, apparaît comme charnière dans cette évolution/domination de plus en plus totale de la voiture sur nos modes de vie. Aux États-Unis, plus particulièrement, le grand projet qu’était la construction du réseau des « interstates » venait de se terminer. Ce réseau national était maintenant réalité, mais qui sait, on aurait pu se dire que l’on ne voulait pas continuer dans cette direction, sachant même ce qui était connu à l’époque. Ne valait-il pas mieux diversifier le « portefeuille » de l’accessibilité et commencer à miser sur d’autres modes, plus durable et universellement profitable, moins ravageur de la richesse collective ?
De toute évidence, ce ne fut pas la façon de penser de la génération au pouvoir à cette époque, ni aux États-Unis, ni dans notre pays, ni dans cette province.
La troisième et dernière partie de l’ouvrage est consacré à la manière d’entreprendre un « take it back » collectif vis-à-vis la désolation urbaine, environnementale et morale laissée dans le sillage de l’automobile. Malheureusement, comme nous en sommes déjà presque à la vingt-cinquième année après la publication du livre et que ces avenues ont la résonance de promesse sans lendemain, on comprendra que cette lecture attriste. Ce n’est pas que ces propositions, maintenant classiques, ne produisent aucun résultat, ni même qu’elles ne sont pas, dans certaines localités, mise en pratique avec un franc succès (surtout sur le plan de l’aménagement). C’est plutôt que les vraies options systémiques qui serviraient à gruger dans la part de l’automobile (transfert modal vers les modes collectifs et non motorisés, accessibilité urbaine à l’intérieur de 30 minutes, etc.) ne font toujours pas partie de plans, et encore moins de projet sérieux d’implantation à une échelle significative (métropolitaine). Un plein quart de siècle après ce livre, tous les indicateurs vont en sens contraires.
Sur les traces de Asphalt Nation
Jane Holtz Kay, l’auteure de ce livre, est décédé il y a presque dix ans maintenant. On ne peut qu’imaginer, après avoir écrit un ouvrage aussi percutant qui résumait si bien la situation d’alors, tout en tentant de proposer des pistes raisonnées et réalistes pour s’en extirper, quelle serait sa détresse devant la situation présente, du moins ici en Amérique du Nord. Toutes les pires tendances qui caractérisent nos accommodations face à l’automobile, que ce soit sur le plan de l’aménagement (cadre bâti et infrastructure), des usages (vraie mixité et diversité rarement possible dans la réglementation sans un contrôle politique onéreux), de l’accessibilité (l’automobile priorisée de facto) et même sur le plan législatif (voir à ce sujet l’instructissime Should Law Subsidize Driving?) n’ont fait qu’empirer depuis la parution de l’ouvrage en 1997.
Comme je le mentionnais dans la première partie, l’ouvrage est le fruit d’un travail de type journalistique, en droite ligne avec celui de l’auteure avant la sortie ce livre, qui fut aussi son dernier et le plus marquant. En plus de parfaitement prendre le pouls de l’emprise de l’automobile sur notre civilisation, juste avant le nouveau millénaire, l’auteure s’était manifestement appuyée sur une profonde recherche documentaire et historique, qui représentait bien l’état des connaissances et de la réflexion de l’époque ; je vais simplement en mentionner trois (3) ici, même s’ils ne reflètent pas vraiment la tendance générale du contenu de l’ouvrage.
Pour un discours sur l’image que voulaient projeter et se faire d’eux-mêmes certains environnements urbains de l’Ouest américain après le second conflit mondial : Magic Lands—Western Cityscapes and American Culture After 1940.
Un des rares ouvrages encore disponibles sur le marché et jamais mentionnés dans une de mes chroniques, en plus d’être d’une petite maison d’édition d’ici : The Ecology of the Automobile.
Un dernier qui est sur ma liste depuis plus longtemps que je ne veux l’admettre, mais que je n’étais pas vraiment surpris de voir mentionné, étant donné à ce qui ressemble à une sensibilité commune : All That is Solid Melts Into Air—The Experience of Modernity.