La lutte pour le territoire québécois. Entre extractivisme et écocitoyenneté. Bruno Massé, les Éditions XYZ, 2020, 336 p.
La ligne est parfois mince entre la critique constructive et le lavage de linge sale (produit naturellement lors de toute interaction humaine) en public. À plusieurs moments durant la lecture du livre de M. Bruno Massé, j’étais incertain à savoir si cette frontière n’était pas dépassée et si l’on ne se trouvait pas en territoire des luttes internes les plus viles et des plus âpres, caractéristique de toute coalition engagée pour une cause. Non pas qu’il n’y a pas de place pour ce type de discours, mais l’on peut comprendre qu’en entreprenant la lecture de cet ouvrage, mes espoirs étaient ailleurs.
Car certainement, si rien d’autre, le lecteur finira ce livre avec un excellent portrait des luttes intestines et du classement typologique sur une échelle gauche-droite et de l’organisation horizontale-verticale de la mouvance des groupes « écocitoyens », « écologistes » et des tenants du « développement durable » au Québec. Dit autrement, c’est un continuum qui va des soldats pour « un nouveau rapport au territoire québécois » (p. 225), plus ouvert, plus solidaire, plus local et démocratique dans ses prises de décision (qui peut être contre la vertu ?) et de l’autre côté du spectre, les « vendus », c’est-à-dire les tenants du développement durable (chapitre 3. Le développement durable contre l’environnement) ; des gens qui, dans leurs actions pour la cause, trouvent moyen d’accommoder et de s’accommoder du capitalisme avancé. Rien de moins que nos « collabo » des temps modernes.
Je m’en voudrais toutefois de porter ombrage sur la globalité de l’analyse développée par M. Massé. En situant notre regard dans la perspective construite par l’auteur, la situation apparaît telle que décrite dans son ouvrage, et il n’y a pas raisons de penser qu’elle ne correspond pas à une réalité effective. Au dernier chapitre, les huit propositions avancées avec courage par l’auteur sont congrues avec l’argumentaire développé dans le reste de l’ouvrage.
Je ne suis pas le premier à la faire remarquer, mais notre belle province peut être, pour tout mouvement qui tente de faire avancer une cause, comme un horrible petit village fait de mesquineries et de luttes misérables à propos de distinctions triviales. Cet ouvrage nous le rappel douloureusement, dans chacun de ses chapitres.
Sur les traces de La lutte pour le territoire québécois
C’est probablement en feuilletant les rayons de notre librairie de quartier, ici à Verdun, que j’ai découvert ce livre. Je suis toujours à la recherche de perspectives nouvelles sur les questions de territoire et son exploitation de façon raisonnée et oui, durable (la semaine prochaine, je vais commenter sur un ouvrage qui introduit la notion de « soutenabilité », alors nous pourrons utiliser ce terme dans l’avenir).
Le livre de M. Massé s’est construit sur une documentation très courante, en ce sens qu’il serait presque possible de faire une revue de presse des dix dernières années des sujets abordés avec ses notes (il n’y a pas de bibliographie ni d’index, malheureusement). J’ai quand même relevé quelques ouvrages qui permettraient d’aller plus loin dans un des thèmes nominaux du livre, soit l’extractivisme.
Selon l’auteur lui-même, « [p]our un récit détaillé de l’extractivisme au Québec » (p.306), on pourra consulter Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain. Toujours sur ce thème, Creuser jusqu’où ? Extractivisme et limites à la croissance. Dans une perspective plus historique, il y aurait Pouvoir et territoire au Québec depuis 1850. Nous vivons dans une société de droit, alors il est toujours intéressant de se familiariser avec ces outils. Un ouvrage référé ici qui semble combler ce besoin est Guide citoyen du droit québécois de l’environnement.
En dernier lieu, un nom qui revient souvent dans les ouvrages qui appliquent une grille d’analyse « de gauche » sur les espaces territoriaux et géographiques urbains est celui de l’économiste et géographe marxiste David Harvey. Le livre de Bruno Massé n’y fait pas exception et cite A Brief History of Neoliberalism. Au cours de la prochaine année, je souhaite découvrir certains ouvrages de David Harvey et en faire part ici.