The Birth of a Building: From Conception to Delivery. Ben Stevens, 306 p.
Le milieu du développement immobilier est, en raison de sa culture interne, relativement opaque sur la nature du processus de fabrication de son produit ultime, l’immeuble urbain ou suburbain. Parfois, c’est pour des motifs compétitifs, comme protéger un segment de marché (géographique ou esthétique) particulièrement profitable, ou des techniques de montage (financier ou constructif) qui font corps avec la philosophie de développement immobilier; cela lui confère un avantage, de meilleures chances dans le domaine. Peu importe le motif, comprendre ce milieu n’est pas donné à tous. Le plus souvent même, on utilisera l’existence de cette culture de l’opacité pour imputer de sinistres motifs à qui pratique le métier.
Dans ce contexte, c’est une vraie chance de tomber sur un livre à la fois pédagogiquement instructif et maintenant un rythme narratif aussi stimulant que celui de Ben Stevens. En fait, son ouvrage nous propose une initiation ouverte et inclusive sur le chemin qui mène parfois, mais vraiment pas toujours, à l’inauguration d’un immeuble. M. Stevens conduit le lecteur, avec dextérité et humour, à se familiariser au délicat montage financier, spatial, urbain, légal, constructif et promotionnel nécessaire à la production immobilière dans la ville nord-américaine typique. Cette approche pluridisciplinaire est essentielle à la réussite de la nouvelle « StartUp » immobilière, c’est-à-dire le bâtiment urbain contemporain.
Pour le lecteur, il est notable et heureux que l’auteur ne soit pas « né » dans le métier, mais s’y soit plutôt orienté « par des chemins de travers », plus tard dans la vie. Sur le chemin parfois tortueux du processus immobilier, la perspective de celui qui a eu à s’imprégner de cette pratique apporte indéniablement un éclairage novateur. Cela se manifeste surtout quand vient le temps de déconstruire le processus, pour le plus grand bénéfice du lecteur.
M. Stevens a réussi ce rare exploit de produire une synthèse didactique qui étend et approfondit notre compréhension du développement immobilier combiné à une narration qui retient notre attention, le temps de mieux assimiler cette base. L’auteur nous offre ainsi un ouvrage concis, mais complet, un excellent premier regard qui lève le voile sur le travail rigoureux qu’implique la promotion immobilière.
Sur les traces de The Birth of a Building
C’est en écoutant une entrevue avec l’auteur sur le balado Strong Towns que j’ai eu connaissance de ce livre; elle y était engageante et laissait la place à l’auteur, tout en l’encadrant dans la mouvance Strong Towns. Ben Stevens a aussi un site Web où l’on découvre une vingtaine d’entrevues-vidéo avec des gens impliqués à toutes les étapes du développement immobilier. La dernière date d’environ deux ans, mais ces archives valent la peine d’être parcourues.
En lieu de bibliographie, The Birth of a Building offre deux pages de Reading Suggestions, légèrement éclectique. L’auteur entretient aussi sur son site une liste médiagraphique de ressources intéressantes. Je vais maintenant puiser parmi ces Suggestions, pour le plaisir du partage.
On commence avec un film, The Big Short (2015), basé sur le livre du même nom. Difficile de faire mieux pour comprendre la bulle immobilière de 2007-08. Pour un Michael Pollen inusité, A Place of My Own : the Architecture of Daydreams (2008) est une charmante surprise. Pour rappeler de bons souvenirs et faire revivre quelques cauchemars, 101 Things I Learned in Architecture School (2007). Cette formule a depuis fait des petits, comme 101 Things I Learned Urban Design School (2018), pour ne mentionner que lui.
Deux grands classiques de l’urbanisme et de l’architecture maintenant, de Christopher Alexander, A Pattern Language : Towns, Buildings, Construction (1977) et de Peter Hall, Cities of Tomorrow: An Intellectuel History of Urban Planning and Design Since 1880 (2014, 4e édition). Seulement dans ces deux livres, on trouve facilement de la matière pour passer l’hiver.
En dernier lieu, je m’en voudrais de ne pas mentionner les deux ouvrages de celui qui a presque inventé un genre (en architecture et design), Witold Rybczynski. How Architecture Works: A Humanist’s Toolkit (2014) et Last Harvest: […] Real Estate Development in America […] (2008) sont maintenant sur ma liste. Dans sa série d’entrevues-vidéo, Ben Stevens en a fait une avec M. Rybczynski, qui en vaut le détour.