Car Country—An Environmental History. Christopher W. Wells, (foreword by William Cronon), University of Washington Press, 2012, 427 pages.
Si le premier geste que l’on pose avant de sortir de chez soi est de tendre la main pour saisir les clés de la voiture, si de plus l’on trouve que ce geste est normal, alors pas de doute possible, cet ouvrage de Christopher W. Wells est l’antidote qu’il fallait pour anéantir ce jovialisme de mauvais aloi. Mais avant toute chose, rassurons-nous : à moins de vivre dans une centralité urbaine avec accès facile à une station de métro ou un quartier de périphérie bien desservie en transport en commun si fréquent et polyvalent qu’on en oublie l’horaire (cela existe ?!?), notre quotidien ne peut fonctionner sans l’accès à une automobile. Dans cette situation, nous ne sommes pas non plus les victimes d’un complot ou d’une conspiration des manufacturiers automobiles ou du lobby des « big roads ». Plus banalement, nous évoluons simplement dans le « car country » qui s’est installé par l’accumulation d’une infrastructure légale, fiscale et des politiques favorisant un urbanisme résidentiel, commercial et même industriel d’étalement.
L’histoire environnementale dont il est question en sous-titre est simplement celle de la mise en place de nos réalités urbaines, qui formes et informes notre cadre bâti. Rien n’échappe à la réalité du « car country ». D’ailleurs, comment cela serait-il possible ? La voiture en elle-même possède ce pouvoir de rendre toute matière, qu’elle soit inerte ou à base de carbone, soluble dans sa logique envahissante, qui est celle d’apparaître naturelle et inévitable. L’automobile, par sa fonctionnalité et son utilisation intégrée à toute construction (free parking!), s’invite dans tous nos usages urbains. Cette intégration obligée de l’automobile dans nos espaces urbains, qui cause son lot de destruction matérielle, environnementale et humaine (même aujourd’hui), est si bien assumée que nous l’acceptons comme la condition « naturelle » du marché. En réalité, il aura fallu plus de 60 ans d’efforts concertés pour consolider cet état de fait, maintenant si difficilement réversible.
Les multiples paliers de l’histoire imbriquée de ce qui est maintenant notre « car country » sont richement synthétisés dans cet ouvrage. Matière à ruminer en essayant d’écrire notre prochain chapitre, avec comme objectif de ne plus avoir besoin des clés de la voiture, [on] this land […] made for you and me.
Sur les traces de Car Country
C’est un peu embarrassant de l’admettre, mais Car Country est un de ces livres que j’avais acheté lors de sa sortie et qui est resté dans ma bibliothèque jusqu’à maintenant. Je ne me rappelle pas où j’en avais entendu parler, mais ce podcast de Street MN est probablement une bonne supposition. En complément, l’ouvrage bénéficie d’une page Web encore active.
Les notes de fin de volume sont copieuses, les références et sources sont mises en contexte et commentées, comme on les aime. On y trouve aussi une bibliographie sélectionnée qui présente bien le matériel de façon autonome. Les titres que je vais mentionner ici ne sont que quelques-uns de ceux que j’espère avoir le temps d’explorer plus à fond, si l’avenir peut m’être propice.
L’aube du motordom est caractérisée par la profusion des modèles et types, de la petite sportive à la voiture de luxe à l’habitacle fermé (mais aussi trop fragile pour autre chose que les meilleures voies pavées). Toutefois, c’est seulement à partir de 1908, avec l’introduction du Model T (la « voiture universelle », selon Henry Ford), que l’automobile devient accessible pour le plus grand nombre. Ce véhicule restera en production (avec plusieurs modifications) jusqu’à la mise en marché de la Model A, en 1927. Cette histoire est raconté dans: The Model T—A Centennial History.
Impossible de parler voitures sans examiner les impacts sur la ville, et une des sources les plus citées dans l’ouvrage est : Down the Alphalt Path—The Automobile and the American City. Un des personnages à l’influence des plus sinistre dans l’aménagement de nos environnements suburbain (et qui se fait encore sentir) est certainement Jesse Clyde Nichols. Un livre, J. C. Nichols and the Shaping of Kansas City—Innovation in Planned Residential Communities, apparaît permettre d’approfondir la question.
Un ouvrage sur la ville qui pourrait presque être un synonyme du mot automobile : Los Angeles and the Automobile—The Making of the Modern City. Un volume qui nous enthousiasme quasiment juste pour son titre: Autophobia—Love and Hate in the Automotive Age. Un dernier livre, au titre délicieux, sur une émergence et un ressac salutaire lié à l’automobile : Driven Wild—How the Fight against Automobiles Launched the Modern Wilderness Movement.