Copenhagenize—The Definitive Guide to Global Bicycle Urbanism. Mikael Colville-Andersen, Island Press, 2018, 296 pages. [e-book lu sur plateforme Adobe Digital Edition]
Une des forces d’un livre comme ce dernier de Mikael Colville-Andersen est de nous permettre d’expérimenter l’épiphanie que chaque ville est, si elle voulait bien y mettre un peu de volonté politique et matérielle, à quelques interventions stratégiques et tactiques près d’être « copenhagenize ». En d’autres termes, chaque ville a le potentiel de se transformer en espace d’accessibilité universelle à bicyclette. Du moins, le delta est probablement beaucoup moins grand qu’on se l’imagine.
Si Copenhague est souvent assimilé à Amsterdam quand vient le temps de parler de la place du vélo dans l’espace urbain, ces deux villes sont, selon l’auteur, en réalité très différentes. Amsterdam, en raison de sa morphologie unique, est la reine incontestée quant à l’emprise (physique et mentale) occupée par la bicyclette. Copenhague, en contrepartie, commençant peu après le premier choc pétrolier, a réussi, grâce à l’activisme soutenu de ses citoyens sur une période de quarante ans, à faire jouer au vélo son rôle transformateur d’instrument démocratique de mobilité universelle. Ceci est vrai malgré des aménagements urbains qui déjà, à l’époque, étaient sérieusement grugés par l’automobile.
En ce sens, un grand potentiel d’inspiration urbaine existe pour l’observateur contemporain attentif de Copenhague ; il devient impossible de voir ces aménagements cyclables sans imaginer les possibilités dans des espaces qui nous sont familiers. Les « leçons acquises » par cette évolution heureuse de la place de la bicyclette dans Copenhague, condensées dans ce livre, sont présentées sur le plan du design, bien sûr, mais aussi sur le plan du positionnement stratégique de la bicyclette en tant que participant à part entière à la dynamique urbaine, au même titre que le piéton. Même si, comme le souligne l’auteur, dans notre monde, le travail de communication et d’« advocacy » autour de la bicyclette n’est jamais fini.
La perspective unique de l’auteur, qui a grandi à Calgary, mais fait l’essentiel de sa carrière au Danemark, lui permet de communiquer clairement ce qui est unique à l’expérience et à la culture danoise, dans un premier temps, et ce qui est le produit d’une évolution qui gagnerait à s’universaliser. Cette combinaison unique constitue la richesse première de l’ouvrage.
Sur les traces de Copenhagenize
L’auteur est connu comme le fondateur de Copenhagenize Design Co, une firme spécialisée dans la planification, la conception, la communication, l’accompagnement et l’éducation sur la voie de la conception de meilleurs systèmes et réseaux pour faire de la bicyclette la vraie souveraine de nos déplacements urbains. Il ne travaille toutefois plus pour elle. Jusqu’à environ deux ans, Copenhagenize était aussi un blogue entretenu par Monsieur Colville-Andersen.
Une des ressources qui a vraiment servi à faire connaître la perspective, à la fois banale et puissante, derrière la notion de « copenhagenize » (que la bicyclette est, pour la vaste majorité, le véhicule idéal de nos déplacements urbains) est le blogue de photos « Cycle Chic » ; essentiellement un montage festif à la gloire des capacités infinies de la petite reine et des humains qui lui accorde sa confiance. Mikael Colville-Andersen est aussi l’auteur et l’animateur d’une série télévisuelle, Life-Sized Cities (trois saisons), qui explore l’échelle humaine de grandes villes du monde. Elle est maintenant dans notre liste de séries à voir, un jour.
La firme a aussi développé, depuis 2011, un « Index » des « Bicycle-Friendly Cities », mise à jour aux deux ans. Montréal est la seule ville nord-américaine dans une liste, qui en compte 20. Elle était en huitième place en 2011 et sa dernière cote (2019) la sort de cette vingtième place, pour occuper la dix-huitième place (avec Vancouver). Cette piètre position constitue l’inculpation méritée d’une ville qui s’est laissée tomber. La proposition du REV qui ne décolle pas, les BIXI qui ne sont pas disponibles durant l’hiver (six mois !) et réseau des pistes cyclables qui disparaît à la première neige illustrent bien cette faillite.
Comme mentionné dans le livre, le visiteur nord-américain à plus de facilité à envisager sa ville à l’image de Copenhague que d’Amsterdam. Ce film de Streetblog, Cycling Copenhagen, Through North American Eyes (référé dans l’ouvrage) permet de mieux comprendre cette situation paradoxale. Deux livres sont aussi recommandés comme sources de méditation sur nos peurs sociétales (comme ceux que l’on tente souvent d’accolés à la bicyclette) : The Geography of Hope et la mise à jour d’un autre ouvrage mentionné, How Fear Works.