Right of Way—Race, Class, and the Silent Epidemic of Pedestrian Death in America. Angie Schmitt, Island Press, 2020 [ebook lu sur Apple Books]
Il y a dans ce livre dix (10) chapitres bien tassés qui nous parlent de cette situation, inimaginable en toute autre circonstance. On y discute des interactions, trop souvent mortelles, entre le citoyen-piéton (ou autrement non motorisé) et son prochain qui choisit de se véhiculer dans un engin à moteur. Pourquoi encore une telle disparité dans les résultats, lorsque ces deux modes légitimes de mobilité se rencontrent, le temps d’une collision ? Pourquoi n’avons-nous toujours pas fait les choix d’aménagements urbains, d’encadrement réglementaire et de dispositions législatives qui garantiraient, en toute circonstance, une issue assurant la sécurité physique et l’intégrité matérielle de toutes les parties impliquées ?
Ce livre expose plusieurs des circonstances physiques, matérielles et réglementaires entraînant ces collisions mortelles. Cela se fait en discutant des aménagements déficients et de la priorité déplacée accordée à la fluidité du trafic. L’auteure donne une vraie visibilité aux questions de pauvreté, de classe sociale et d’ethnicité (« raciales », en contexte américain), trois éléments corrélateurs d’une majorité des collisions. On décortique comment le traitement des collisions entre piétons et automobilistes est depuis trop longtemps l’équivalent d’accorder une licence 007 avec chaque permis de conduire. L’auteure avance qu’il est impératif de cesser de qualifier ces évènements d’« accidents », mais plutôt de les traiter comme une faillite du design urbain et de priorités désaxées. Elle présente les avancées fulgurantes réalisées par les autorités locales s’étant mobilisé autour du mouvement « Vision Zero » et comment, aux États-Unis, un travail important est fait par les parents d’enfants décédés à la suite de collisions. Mais encore, cet activisme s’appuie lourdement sur la victimisation et faillit dans l’implantation de politiques transformatrices. Le « windshield bias » qui affecte si fermement ce pays (et par osmose culturelle, le nôtre) ne sera pas aisément contrecarré.
Même face à cet exposé explicite des conséquences tragiques, souvent mortelles des collisions, Right of Way demeure une exhortation puissante à concevoir un partage transformateur et équilibré de la vie urbaine dans l’espace de nos rues. En travaillant pour aller chercher la mobilisation politique et les ressources financières pour implanter une vision zéro, nous serons plus nombreux pour envisager l’avenir.
Sur les traces de Right of Way
L’auteure de ce livre, Madame Angie Schmitt, s’est fait connaître en tant qu’éditrice et rédactrice sur le fameux site Web Streetblog. Lors d’une entrevue en septembre dernier sur le podcast préféré de tous, The War On Cars, elle souhaitait que son ouvrage fasse pour la cause du partage universelle et sécuritaire de la rue ce que le mouvement #metoo a été pour la cause des femmes ; un moyen de mettre le doigt sur une situation vécue réelle, extrêmement corrosive sur le plan humain et social, mais qui ne trouvait pas de solution parce qu’elle se vit dans le silence. Toute comparaison est boiteuse, mais dans ce cas spécifique, on souhaite certainement qu’une masse critique finisse par se mobiliser pour cette cause.
L’ouvrage brosse un tableau de la tragédie que furent les dix dernières années en termes de collisions entre piétons et automobilistes aux États-Unis. Le contraste est aussi fait à l’internationale ainsi qu’avec ses pays pairs ; la comparaison avec les pays scandinaves est particulièrement cruelle. Je vais maintenant extraire des notes du livre certains éléments qui soulignent des différences culturelles qui pourraient être au cœur des pires aberrations qui caractérise la situation américaine.
Il y a quelques semaines, je parlais d’un ouvrage qui faisait l’historique du phénomène, toujours actuel, du Driving While Black. On change un seul mot de cette expression et on se retrouver avec un phénomène parallèle tout aussi adverse et réel : Walking While Black.
Un autre article qui fait référence à un livre (Fighting Traffic) que nous avons revu dans ces pages et cité pour son historique d’un sobriquet utile dans la répression des piétons : Jaywalking—How the car industry outlawed crossing the road.
Pour mieux comprendre les mouvements qui mobilisent des « victimes » de la route afin de faire des changements, et les difficultés culturelles incrustées auxquelles ils se confrontent inévitablement : One for the Road—Drunk Driving since 1900. On se rappellera même une chanson (One For My Baby and One More For the Road) sur ce thème ! Un dernier qui semble intéressant sur le phénomène de la voiture elle-même : Are We There Yet? —The American Automobile Past, Present, and Driverless.