Crash Course—If You Want To Get Away With Murder Buy A Car. Woodrow Phoenix, Street Noise Books, 2020, 208 pages
Avec Crash Course, on poursuit notre examen des ravages, parfois involontaire, mais le plus souvent intégré, engendré par notre très haut niveau de tolérance à l’automobile dans nos milieux urbains. Le sous-titre de l’ouvrage dit tout. Étant donné la nature même du médium (un livre graphique), il serait facile d’affirmer que le message est communiqué de cette façon, mais il n’en est rien. Le livre est entièrement illustré, oui, mais le message de la violence automobile est, au contraire, communiqué par son absence. On se retrouve face à des images de vides routiers, autoroutiers et urbains, comme si le lecteur circulait dans une ville nord-américaine anonyme, immédiatement après les restrictions appliquées au début de la pandémie.
Plusieurs effets très sentis sont intégrés à l’information textuelle grâce à de vastes suites de « lévitation » routière, comme un parcours en tapis magique. Celle-ci nous transporte à travers tout nos types d’environnement urbain. Dans un premier temps, si cela n’était pas déjà assez clair, cette suite d’espaces routiers sans automobiles est criante de ce que représente la perte de ces espaces à l’emprise quasi exclusive d’un mode de transport privé, l’automobile. Que nos sociétés urbaines en soient venues à concéder (donc à anéantir) autant d’espace public à des fins privées est une des plus grandes pertes en capital matériel et en productivité des dernières générations. L’auteur utilise plusieurs types de montage graphique, des scénarios tirés de l’actualité récente et de sa vie pour illustrer la précarité et l’absurdité du déséquilibre des forces lorsqu’on oppose l’automobile aux multiples autres usagers de la route. Dans cette catégorie, on retrouve les piétons, les cyclistes et même les usagers des transports en commun. Aux nombreux usagers de l’autobus, il est même difficile de leur accorder le minimum d’une voie exclusive et la priorité aux intersections.
Conformément aux métaphores utilisées par l’auteur, que l’on choisisse ou que l’on soit contraint de vivre nos vies en tant que « spam in a can » (automobilistes) ou simplement « spam » (piétons, cyclistes), ce livre donne de quoi réfléchir sur notre condition urbaine dominée par l’automobile, et qui sait, agir pour faire cesser cette condition et mieux aménager notre condition urbaine ?
Sur les traces de Crash Course
Une des métaphores puissantes, utilisée et illustrée par Woodrow Phoenix, est celle de pianos suspendus, sous lesquels chaque piéton doit naviguer. À tout moment, ce piéton risque ainsi de se faire écraser. Cela représente évidemment la possibilité, quotidienne d’être happé dans l’indifférence par une de ces tonnes d’acier automobile (comme un véhicule utilitaire sport [VUS] ou même électrique, qui représente ironiquement un tonnage encore plus important).
Si l’on veut entendre un résumé assez évocateur et en savoir un peu plus sur l’auteur, il existe cette excellente entrevue sur notre podcast favori à tous, The War on Cars.
Comme je le mentionnais, l’auteur utilise autant des expériences de sa vie personnelle (il s’affirme comme automobiliste enthousiaste, amoureux de la route et même de l’esthétique automobile) que l’actualité des dix dernières années en tant qu’outils de prise de conscience et de changement ; des périls humains (vies perdues ou mutilés) et du gaspillage de nos ressources matérielles et économiques, siphonnés par l’automobile et l’infrastructure qui soutient sa logique. Même si le propos prend ici la forme d’un livre graphique, l’auteur a fait ses devoirs et cite plusieurs ressources ; je vais maintenant en mentionner quelques-unes.
Puisque l’auteur y trouve famille et amis, ce Londonien de naissance retourne souvent à NYC, et une des ressources citées est l’excellent site de l’organisme Transportation Alternatives. Toujours à NYC, cette compilation des collisions dans la ville, projeté sur une carte virtuelle peut s’avérer un outil puissant de changement. Toutes nos villes devraient dégager les ressources nécessaires pour créer, alimenter sur une base mensuelle et gérer un tel outil.
L’organisme Smart Growth America à conçu une page Web remplie de ressources illustrant les failles et encourageant un meilleur design de nos rues : Dangerous by Design 2021. Essentiel.
Le livre revu la semaine dernière (Right of Way) mentionnait aussi les problèmes croissants entraînés par les systèmes de pilotage automatique dans les nouveaux véhicules (particulièrement Tesla). Un bon moyen de s’en faire une idée est de visiter ce site Web, bien nommé : Tesla Deaths.
Une vraie découverte pour moi ; un jour de souvenir qui se souligne le troisième dimanche de novembre : World Day of Remembrance for Road Traffic Victims. Je vais mettre cette date à mon calendrier.