A City With a Difference—The Rise and Fall of the Montreal Citizen’s Mouvement. Timothy Lloyd Thomas, Véhicule Press, 1997, 214 pages.
Avec l’approche des élections municipales à travers la province, le 7 novembre prochain, je me suis dit qu’il serait intéressant de parcourir quelques ouvrages portant sur la politique et ses rapports avec le monde municipal. Dans notre système, rares sont les possibilités de transformation urbaine sans une implication active du politique ; peu importe la qualité, l’avant-gardisme et le professionnalisme des plans, politiques et autres documents réglementaires produits par les urbanistes et juristes. On parle souvent des administrations municipales comme étant le niveau de « gouvernement » le plus proche du citoyen ; mais on oublie aussi la réalité que c’est le niveau le plus insulaire et le plus susceptible de devenir captif d’intérêts particuliers. Nous aurons plusieurs occasions de revenir sur ces thèmes au cours des prochaines semaines.
Pour lancer cette série, je voulais nous partir avec ce qui fut, pour moi, l’initiation à la politique municipale, même si c’est seulement au début du deuxième (et dernier) mandat de l’administration du maire Jean Doré et de son Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM—Montreal Citizen’s Mouvement—MCM), que je pouvais, pour une première fois, participer à un vote. La période 1986-1994, soit ceux des deux mandats de l’administration Doré-RCM, en fut une d’espoirs et de changements essentiels, comme l’ouverture de grandes fenêtres sur une pièce sombre et étouffante, après plus d’un quart de siècle de l’administration du maire Jean Drapeau. Même si ce dernier demeure le maire le plus marquant dans l’histoire moderne de Montréal, il n’est pas moins un cas-école de la sclérose et de la capture qui peut si facilement prendre à la gorge les administrations municipales.
En me mettant la main sur ce livre, je voulais colmater mes lacunes sur l’histoire du RCM, ce mouvement/parti qui avait presque réussi, pour un temps, un miracle d’ouverture de l’administration municipale sur une gestion moderne et une prise en compte des intérêts citoyens. Il y a certainement dans l’ouvrage de M. Thomas de quoi combler nos connaissances sur le long cheminement du RCM, mais il faudra chercher ailleurs pour une analyse crédible des raisons du « fall » et de ses suites.
Sur les traces de A City With a Difference
Cet ouvrage de M. Thomas possède plusieurs qualités sur le plan de l’approfondissement de l’épistémologie intellectuelle du mouvement/parti RCM et de sa place sur la grille des partis politiques de cette fin de vingtième siècle. L’auteur nous fait une dissection assez originale de ce que fut le RCM et des déchirements (les fameuses « contradictions ») qui secouent ce type d’organisation ; ils se voient d’abord comme un « mouvement » portant les visées et les aspirations de ses membres, aussi plurielles qu’elles sont nombreuses.
En se calquant sur les travaux du politicologue américain Herbert Kitschelt et ses études (dans The Logics of Party Formation) des partis européens de type « libertarien de gauche » (comme les verts), l’auteur nous offre une grille pour comprendre l’évolution du RCM, de sa fondation, au début des années 1970, à sa prise de pouvoir en 1986 et peu après sa défaite, en 1994, aux mains de Pierre Bourque. Pour ceux qui ont connu ces années, ce sera le temps de retrouver des noms qui ont marqué la scène municipale montréalaise, comme Nick Aux der Maur, Michael Fainstat, Léa Cousineau, Marvin Rotrand et John Gardiner. On aura droit au rappel de quelques dossiers qui ont mis à vif les « contradictions », entre idéologues et pragmatistes, du « mouvement » RCM, et ceci dès son premier mandat ; l’affaire Overdale, la démolition de l’Hôtel Queens et l’agrandissement d’un stationnement (Matrox) dans le parc-nature du Bois-de-Liesse. L’implantation d’une plus grande transparence administrative, et la démocratisation de l’administration municipale, tant souhaitée des militants du RCM, ne seront jamais vraiment abouties. Elles seront même vite renversées après la défaite de 1994.
Pour les férus de mécanique de parti et des logiques internes des mouvements de gauche à saveur libertarienne, ce livre offre une belle histoire des contradictions qu’ils ont eu à confronter. Le fait que le parcourt du RCM se calque à ce modèle (jusqu’à un certain point) démontre le bien-fondé de l’analyse. Même si le parti n’existe plus, et que la coalition d’anglo-franco-libertarien-de-gauche du RCM n’est, depuis longtemps, plus qu’un souvenir, une grande partie de ses principes sont maintenant incarnés par Projet Montréal. Nous y reviendrons.