Still Stuck in Traffic—Coping with Peak-Hour Traffic Congestion. Anthony Downs, Brookings Institute Press, 2004, 455 pages
Le côté systématique de l’analyse des causes et solutions possibles à la congestion automobile fait dans cet ouvrage d’Anthony Downs ne manquera pas d’impressionner toute personne intéressée au sujet. Et puisque dans la plupart des agglomérations nord-américaines (et du monde), rarement moins de 85 % de nos concitoyens sont, d’une façon ou d’une autre, still stuck in traffic, cela fait pour un large public. Ce que cette lecture ne fournira malheureusement pas (et qu’il est impossible de fournir) c’est une solution aisée au problème. Comme nous l’apprendrons, la congestion n’est pas véritablement un problème ; elle est plutôt la manifestation matérielle inextinguible de la fonctionnalité de l’économie urbaine, d’une concordance déficiente entre les emplois et le logement et finalement, de l’impossibilité politique de coordonner la planification des usages et de l’accessibilité à l’échelle métropolitaine, ceci, peu importe les structures en place et nominalement destinées à ces fins.
L’auteur, un économiste ayant travaillé sur l’habitation pour le gouvernement américain et auprès de « think tanks » bien connu (RAND et Brookings) apporte certainement à ses arguments une forte dose de gymnastique statistique et de raisonnement numérique formaté en tableaux, ce qui est une caractéristique des produits délivrés par ces institutions. Cela étant dit, même si le point de vue posé ici sur la congestion nous arrive fermement du côté droit du spectre politique, l’auteur accorde un traitement si exhaustif au sujet que tous les tenants et aboutissants finissent par être discutés. Même s’il est impossible de toujours être en accord avec les conclusions, la méthodologie mesurée utilisée pour y parvenir fait qu’il est difficile de simplement les balayer. Surtout, l’auteur finit par démontrer que la lutte contre la congestion routière doit se faire par une approche multiforme à l’échelle métropolitain, et ceci parce que chacune des 33 tactiques étudiées appliquées indépendamment n’aurait qu’un effet négligeable sur l’ensemble de la congestion.
Si l’on veut se donner espoir et qu’on a le cœur remplit de courage, quelles approches pourrions-nous envisager, selon l’auteur ? Densification des corridors de transport en commun (à la Curitiba), parking cash-outs, ride-sharing, HOV, mettre un prix sur l’utilisation des autoroutes, passer d’une taxation sur le gaz à une taxation au kilométrage, et tellement d’autres !
Sur les traces de Still Stuck in Traffic
Ce livre est en fait la révision (par le même auteur) d’un ouvrage paru en 1992 et simplement intitulé Stuck in Traffic. En partie, cette révision est un peu une réponse à certaines critiques qui affirmaient que ses conclusions étaient manifestement infondées ou trop pessimistes (puisqu’aucune stratégie n’affichait une efficacité marquée contre la congestion, une fois qu’elle s’était installée). Bien au contraire, l’auteur démontre de façon convaincante que les « solutions » préconisées par les « spécialistes » des ministères et autres départements de transport, comme l’élargissement des routes (du réseau supérieur) ou les voies spéciales à accès limité (pour multiples occupants, typiquement), ne sont que des palliatifs, toujours effacés par le retour du vrai problème : le nombre croissant de véhicules à un seul occupant qui veulent accéder au réseau des artères urbaines et du réseau supérieur aux heures de pointe. L’explication de ce que l’auteur appelle les quatre principes du trafic (principle of tripe convergence, of the swamping effect, the imperviousness principle et le principle of one hundred small cuts) vaut presque à lui-même l’achat du livre.
Comme je le mentionnais, l’auteur arrive clairement d’une perspective de droite, et cela se note manifestement dans les sources, comme le Texas (A & M) Transportation Institute (le fameux TTI) et avec des auteurs comme Wendell Cox et James Howard Kuntsler (connu pour son toujours pertinent Geography of Nowhere, mais qui est maintenant descendu dans une spirale survivaliste et conspirationniste). On peut aussi le noter dans les justifications apportées par M. Downs, qui accepte beaucoup trop souvent et, semble-t-il, sans un « pushback » solide des propositions valises comme la préférence des ménages américains pour l’habitation unifamiliale, la faible densité des environnements urbains, l’accessibilité entièrement envisagée avec la voiture solo (Car Country) et d’autres affirmation faciles de ce type.
Mais l’auteur se rachète aussi en citant à plusieurs reprises les travaux du regretté Martin Wachs (décédé cette semaine et qui semble avoir été un collègue et ami de l’auteur) ainsi qu’un ouvrage qui pourrait expliquer beaucoup de phénomènes observés à l’échelle métropolitaine : The Homevoter Hypothesis—How Home Values Influence Local Government Taxation, School Finance, and Land-Use Policies.