Montréal en chantier—Les défis d’une métropole pour le XX!e siècle. Sous la direction de Jonathan Durand Folco, Écosociété, 2021, 256 pages. [Lu sur l’application Books]
Contrairement à la flexibilité que se permettent leurs homologues aux niveaux provincial et fédéral, la classe politique municipale du Québec doit composer, de façon quelque peu paternaliste, avec une loi qui leur impose des élections à jour fixe et sur une périodicité de quatre ans. Faisant probablement cause et tirant avantage de l’inévitable scrutin du 7 novembre prochain, les auteurs-es (sous la direction de Jonathan Durand Folco, qui introduit et conclut le recueil) utilisent trois grands thèmes (Habiter, Innover et Participer). Ils proposent des textes qui explorent et discutent des réalités urbaines montréalaises à la lumière du travail de la dernière administration municipale. Les enseignements qu’on pourra en tirer sont autant rétrospectifs que prospectifs, et ce toujours dans une optique qui fait sens en contexte montréalais.
Même si l’élection d’une majorité pour Projet Montréal (en 2017) fut pour plusieurs comme une bouffée d’air frais et un coup de balai nécessaire après quatre années d’une gouvernance curieusement rigide et autoritaire sous l’équipe du maire Denis Coderre, cela ne veut pas dire que les dernières années furent sans peine pour l’équipe de la mairesse Valérie Plante. Comme cela était aussi arrivé avec le maire Jean Doré du RCM, la mairesse a dû consacrer des ressources et un temps précieux à gérer des crises internes. De plus, comme l’histoire de la politique montréalaise nous l’enseigne, il est souvent aisé et sans conséquence réelle pour une nouvelle administration de revenir en arrière. Dans les circonstances, sans les quelques minces tentatives d’introduire un soupçon de progressisme dans les initiatives municipales qui caractérise le parti de Madame Plante à son meilleur, il est facile de concevoir comment un retour au pouvoir de l’ancien maire Denis Coderre serait tout ce qu’il faut pour signaler aussi un retour des politiques et stratégie conventionnelles et éprouvées (parfois même réductrice).
Face à cette possibilité très réelle d’un coup de barre à droite à l’échelle municipale et même métropolitaine, les textes de ce recueil forment un excellent condensé d’une perspective plus à gauche sur la situation économique, sociale et démocratique de l’univers urbain montréalais. Juste à temps pour réfléchir aux conséquences du prochain vote.
Sur les traces de Montréal en chantier
C’est avec un extrait paru dans La Presse, il y a quelques semaines, que j’ai eu connaissance de ce recueil. On aura judicieusement choisi de mettre en vedette un texte sur ce qui est maintenant permis d’appeler « l’éternelle » question du logement, sa disponibilité, son abordabilité et son accessibilité. Cette situation est endémique pour les villes « attractives » sur le plan économique (concentration des emplois), social (services et éducation) et culturel (arts, spectacles et musique) comme Montréal. Ce texte de la section Habiter combine bien les grandes forces et les quelques (rares) faiblesses du recueil. Ainsi, la façon d’aborder les questions soulevées se colle bien aux réalités montréalaises et a la manière qu’elles se sont présentées à l’administration Plante. Les auteurs font aussi un historique ainsi qu’un bilan des réponses avancées par son administration en termes de propositions stratégiques, politiques ou réponses réglementaires.
Il y a toutefois une tendance caractéristique à certains textes du recueil d’explorer un nombre limité de causes à une situation, à envisager des ajustements ou des solutions qui se situent dans une gamme étroite d’options consensuelles et progressiste confortable. Dans le cas spécifique du texte sur le logement à Montréal, la démonstration des effets pervers de la financiarisation (basé sur les travaux de Louis Gaudreau et d’Alan Walks) et des pratiques de la SCHL (assurance hypothécaire, titrisation) est bien établie et convaincante, mais encore ? Le texte ne contient, par exemple, aucun commentaire sur les effets des outils réglementaires conventionnels ; on pense ici au zonage, au lotissement, au stationnement minimum (au lieu de maximum) et à la densité ruineusement faible en milieu urbain. Ce sont pourtant là des outils pleinement sous le contrôle des administrations municipales et dont l’assouplissement permettrait d’activer un vaste potentiel pour la création d’une richesse diversifiée (usage intensifié et mixte, patrimoine recyclé) et urbaine.
Je ne voudrais toutefois pas laisser l’impression que ce texte sur le logement, ou n’importe lequel des thèmes abordés (espaces publics, mobilité, fiscalité, démocratie locale, etc.) ne donnera pas, à tout lecteur qui voudra bien s’y attarder, une abondance de pistes fertiles pour (re) penser nos réalités urbaines montréalaises.
Le texte de cette revue a été publié le lundi 27 septembre 2021.