Zoned Out—Regulation, Markets, and Choises in Transportation and Metropolitan Land-Use. Jonathan Levine, RFP Press [Routledge, Taylor & Francis Group], 2006, 224 pages [lu sur Kindle]
Tout le monde sait que le développement courant, celui responsable de l’étalement urbain, de la congestion, de la pollution de l’air et de l’eau, des îlots de chaleur, ultimement un contributeur majeur au changement climatique, est la résultante des lois du marché ayant laissé libre cours aux préférences des citoyens. Tout le monde sait que les gens favorisent la vie en grosse unifamiliale, le plus loin possible de la ville, et relier à celle-ci par le plus vaste réseau d’autoroutes possibles. Et c’est justement ce que le libre marché immobilier fournit, point à la ligne et fin du débat.
Non ! Ce marché qui ne fait que répondre aux préférences en logement (la maison unifamiliale avec 1-2-3 gros garages situés dans un champ bucolique avec la répliques de quelques centaines de ses semblables) et en étalement sur toute la métropole (et au-delà) est en réalité un mythe, structuré et entretenu par un lourd échafaudage réglementaire et législatif. Ce marché, si fortement réglementé (zonage limitatif et restrictif, transport orienté auto-solo et subventionné, etc.) fait tellement partie de notre ordinaire urbain qu’il est rendu invisible, la norme. Toute tentative d’amoindrir les effets perverts de cette caricature de libre marché, comme le seraient les alternatives tel que le nouvel urbanisme, le développement orienté vers les centres urbains et le transport en commun, ou plus généralement toute forme de « Smart Growth », doit s’appuyer sur des « preuves » de leurs contributions positives à l’espace urbain. Ceci est parce que nous nous croyons déjà être en marché immobilier libre, répondant « naturellement » aux besoins de tous. Ceci n’est clairement pas le cas, et le fardeau de cette preuve devrait être renversé.
En réalité, comme l’illustre magistralement Jonathan Levine dans cet ouvrage, notre réalité urbaine est très lourdement déformée et rendue dysfonctionnelle par le zonage traditionnel, mais cette condition absurde a fini par tenir lieu de marché libre et raisonné. L’ironie est donc que l’urbanité actuelle s’avérera très difficile à modifier ; la majorité des acteurs prétendent agir comme si nous avions un authentique marché immobilier libre et flexible, offrant de véritables choix, disposés et ayant la capacité de répondre à la diversité des besoins urbains. Ce livre met un terme à cette illusion.
Sur les traces de Zoned Out
Le livre de M. Levine est paru il y a quinze ans, et je trouve surprenant parfois que ses arguments ne sont pas plus cités ou utilisés (même si cela commence à changer). Plusieurs des situations de non-viabilité économique et de difficulté de desserte en transport collectif et actif pourraient être amoindries si seulement la réglementation de zonage permettait un véritable marché immobilier libre. Mais comme cette réglementation est assimilée à la normalité du marché, rares sont les groupes corporatifs ou citoyens avec la clairvoyance ou la capacité de faire pression pour l’élimination ou l’allégement de ce fardeau capricieux et vexatoire. Pour ma part, je garde espoir et recommande cette lecture pour mieux comprendre comment nous en sommes arrivés à cette situation urbaine inutilement contraignante et restrictive.
Comme on peut s’y attendre d’un livre de 2006, plusieurs références datent déjà, mais je vais m’attarder ici à quelques ouvrages qui sont depuis devenus des classiques dans leurs genres. Je commence par l’article de 2002 ayant lancé le phénomène des smart codes, soit d’Andres Duany et Emily Talen, Making the Good Easy : The Smart Code Alternative. On notera le chemin parcouru en consultant le SmartCode Central. Ce dernier est maintenant intégré dans la notion de « transect urbain », que l’on pourra approfondir au Center for Applied Transect Studies, qui est aussi connu sous le sympathique acronyme de CATS. On y reviendra inévitablement, mais l’on peut déjà remarquer que le projet ne semble jamais avoir atteint son plein potentiel, et cela ne fait qu’illustrer le côté endémique, inextricable et pourtant invisible du zonage traditionnel.
Je termine par trois ouvrages qui se trouvent maintenant sur ma liste de lecture. Le premier est de Paul G. Lewis, Shaping Suburbia—How Political Institutions Organize Urban Development. Pour maintenant changer de focus légèrement, Our Town—Race, Housing, and the Soul of Suburbia. Il n’est jamais inintéressant de creuser toutes ces relations. Finalement, d’un auteur (Alexander Garvin) qui semble s’être fait une spécialité des façons et possibilités de redynamiser les espaces publics et les villes en général, What Makes a City Great. On y reviendra au cours de l’année.